Il était une fois quarante personnes qui vivaient depuis quelques années en France et désiraient aider leurs coreligionnaires tout juste débarqués sans aucune ressource. Ils avaient de cette France, pays des droits de l’homme et terre d’asile, la même vision et ce que cette France leur avait donné, ils voulaient le transmettre à leur tour.
Conscientes des soubresauts de l’histoire elles n’acceptaient pas le racisme, la haine de l’autre, les horreurs, les châtiments injustes, les pogroms qui sévissaient en Europe et dans le monde dont elles avaient elles-mêmes souffert. Afin d’aider nombre de femmes et d’hommes obligés de fuir pour sauver leur vie et contraints à l’exil, les quarante décidèrent de leur tendre la main.
En 1900, les quarante créent «L’Asile Israélite de nuit » pour accueillir et loger dans l’urgence les réfugiés de passage à Paris. L’Asile s’installe d’abord rue du Figuier dans le quartier du Marais, le « Pletzl » (la petite place), où résident déjà de nombreux juifs venus de Russie ou de Pologne. Il y restera une dizaine d’années. Le 16 Avril 1901 : première Assemblée Générale à la Mairie du IVème arrondissement en présence de 800 donateurs.
En 1910, l’Asile de nuit s’installe dans les locaux construits par leurs soins rue des Saules, dans le quartier de Montmartre où se sont regroupés déjà beaucoup de juifs russes. Puis l’œuvre déménagera sur la Butte Montmartre ; ses activités s’étendront par la suite sans jamais quitter le 18ème arrondissement.
Cette même année, la première crèche voit le jour également rue des Saules.
Pendant ce temps un autre groupe d’hommes et de femmes, qui se rendent compte que les hébergés qui dorment rue des Saules n’ont nulle part où se poser dans la journée, créent l’Asile de Jour, rue des Cloÿs, toute petite rue de ce même 18ème arrondissement. Ce lieu est très vite insuffisant et l’achat de la rue Lamarck va permettre de recevoir un nombre croissant de réfugiés.
Parmi ces hommes et femmes de bonne volonté se trouve Madame Elise Bleustein, la mère de Marcel Bleustein-Blanchet, futur Président de l’Association pendant plus de 30 ans. En 1914, l’Association est reconnue officiellement d’Utilité Publique. Pendant la première guerre, l’Asile accueillera un grand nombre de permissionnaires qui ne savent où aller.
En 1921, l’achat du terrain rue Lamarck va permettre à l’Association de prendre de l’ampleur et faire son dernier bond pour se retrouver au sommet de la Butte Montmartre où va s’implanter la Crèche qui s’y trouve toujours aujourd’hui.
Le 18 mars 1923 est voté à l’unanimité la fusion de l’Asile de jour et de Nuit et prend le nom (quelque peu alambiqué) de : « Association Philanthropique de l’Asile de Nuit, Asile de Jour et Crèche Israélite de Paris ».
Durant la montée du nazisme, dans les années 30, des réfugiés arrivent de toute l’Europe de l’Est, des familles entières qui ont tout laissé derrière elles et doivent tout reconstruire. « L’Œuvre de Montmartre est comme un sismographe qui enregistre fidèlement les soubresauts du monde », écrit Marcel Bleustein-Blanchet (Fondateur de Publicis et président de l’Œuvre 1965-1996).
Les besoins vont croissants avec les arrivées, ils sont tels que des « souscriptions » sont demandées pour pallier aux demandes. Un bal annuel au Palais d’Orsay est organisé, ainsi qu’une manifestation le dimanche après-midi au Lido sous l’impulsion de Nelly Freval, Présidente du comité des fêtes de l’Association, où elle parvient avec sa forte personnalité, à faire venir des artistes connus. La manifestation est clôturée par une tombola qui remporte un vif succès et permet d’arrondir le montant des recettes.